La question n'est pas celle des retraites.
- Pierre-Alexandre Teulié
- 28 mars 2023
- 3 min de lecture
En se concentrant sur un âge, la réforme des retraites n'a juste rien compris au fait qu'elle s'inscrivait dans un contexte, dans une époque et dans une société qui a profondément évolué en quelques années. La question est moins de combien de temps travailler que celle de comment travailler ?
Dans un métier objectivement pénible, pour ne pas dire usant, quelles sont les possibilités de reclassement vers des tâches moins dures pour un salarié qui n'en peut plus ?
Quel avenir pour un col blanc de plus de 45 ans au faîte de son expérience mais perçu comme trop cher par son employeur et démodé par les plus jeunes ?
Quelles possibilités de retrouver un job correspondant à ses compétences lorsqu'on perd son emploi après 50 ans ?
Serait-il choquant de disposer d'un droit de tirage sur sa retraite pour faire un break en milieu de carrière quitte à retravailler plus longtemps ?
Le principe sacré de retraites par répartition est-il voué à paralyser toute évolution du système où pourrait-il être complété par une part de capitalisation ?
Si on est parvenu à faire massivement entrer les jeunes sur le marché du travail par des allégements de charges temporairement consentis aux entreprises, le même système ne fonctionnerait-il pas pour qu'elles gardent plus longtemps leur seniors en poste ?
Autant de questions (bonnes ou mauvaises) qui n'ont pas été posées dans le débat sur les retraites ou balayées sans réponses quand quelques uns les ont émises. Au final, le débat s'est limité à marginalement amender un projet dont le cadre et l'approche se devaient de ne pas bouger. Comme si à un quelconque problème, il n'existait qu'une seule solution qui ne fut même pas à prendre ou à laisser, puisqu'il fallut la prendre à tout prix.

C'est dommage car finalement notre retraite sera plus en sursis que sauvée après cette réforme et qu'il faudra en refaire une avant dix ans.
C'est dommage car le sujet aura encore renforcé les fractures de notre population et sa défiance à l'égard de ses dirigeants.
C'est dommage car jamais la voix des près de quinze millions de 45-64 ans que sont les seniors en activité n'aura été consultée, exprimée ni entendue.
Ils sont pourtant ces 25% de Français qui sont dans le dernier tiers de leur carrière, ont très généralement atteint le sommet de leur progression professionnelle et de leurs revenus. Ils sont ces 25% de Français qui ont le sentiment d'avoir atteint le sommet du toboggan qui risque désormais de les faire redescendre. Ils sont ces 25% de Français dont l'optimisme et l'enthousiasme sont désormais contrebalancés par la peur du déclassement.

Peut-être une réforme des retraites réussie veillerait-elle à les écouter. Ils sont nos salariés les mieux formés, les plus expérimentés, les plus à même de transmettre un savoir faire. En réalité ce ne sont pas des seniors mais les meilleurs pros de leur discipline. Ils ne sont pas plus décalés face à l'intelligence artificielle ou à la digitalisation des entreprises qu'ils ne l'ont été lorsqu'ils ont tour à tour absorbé le PC, internet, la robotisation, la téléphonie mobile, les open-space, le télétravail ou le management à distance. La question est moins de savoir combien ils coûtent en plus, que celle de combien ils rapportent en plus si on donne à leur expérience l'occasion de s'exprimer.
Mais cette question n'est pas celle de la réforme des retraites, mais celle de notre performance dans une économie à haute valeur ajoutée. Peut-être est-il temps de poser le sujet sur la table et d'ouvrir un débat de société avant de porter les réformes qui permettront de le mettre en oeuvre.
Analyse pertinente.
Mathieu V. (Noisiel)