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"se nourrir ou conduire ; il faut choisir ! "

  • Photo du rédacteur: Pierre-Alexandre Teulié
    Pierre-Alexandre Teulié
  • 21 sept. 2023
  • 3 min de lecture



Lors des Etats Généraux de l’Alimentation en 2018, le gouvernement avait sanctuarisé l’interdiction de la vente à perte et imposé aux distributeurs de faire une marge brute de 10% au moins sur la vente de produits alimentaires. Le concept était un peu étrange puisque l’on venait à considérer qu’en dessous d’un seuil de revente à perte augmenté de dix points…. on vendait à perte. En réalité, l’idée était d’imaginer que ces dix pour cent de marge « obligatoire » serviraient en partie à exercer moins de pression sur les prix d’achats aux fournisseurs pour que ceux-ci puissent mieux rémunérer les producteurs auxquels ils achètent la matière première.

Imaginable en période de déflation pour limiter la pression sur les producteurs, ce système est devenu, en période d’inflation, un facteur aggravant de nature à maintenir artificiellement élevés les prix de vente de l’alimentaire au consommateur. Pire, cette approche vient d’être prolongée jusqu’à 2025 au travers de la loi Descrozailles qui prolonge ce dispositif initialement pensé comme une expérience pour rééquilibrer les rapports de forces entre industriels et distributeurs.


Difficile dès lors de comprendre la volonté gouvernementale de soudain vouloir encourager la vente à perte des carburants. Alors que 13% environ des dépenses des ménages sont consacrées à l’alimentation qui connaît sur un an une inflation supérieure à 15%, et plutôt que de revenir en arrière sur le seuil de revente à perte majoré qui pèse sur les prix de vente au consommateur, la Première Ministre a proposé d’autoriser la vente à perte sur les carburants qui ne représentent que 6% environ des dépenses des ménages. Outre que l’on pourrait s’interroger sur l’opportunité de mesures de nature à encourager l’utilisation à bas coût d’énergies fossiles, on ne peut que souligner le fait que s’il devait y avoir vente à perte sur les carburants, la perte subie serait immédiatement compensée par une hausse des prix de vente de l’alimentaire qui représente près des trois-quarts du chiffre d’affaires d’une grande.

Vis-à-vis du législateur, on peut s’interroger sur la volonté de l’exécutif de s’asseoir - même temporairement - sur des lois votées.

Vis-à-vis du consommateur le message est clair : « Se nourrir ou conduire, il faut choisir » !

Vis-à-vis des acteurs économiques, le message est violent si l’on considère que seuls les plus gros acteurs pourraient envisager de temporairement jouer le jeu de la vente à perte. Sans être grand économiste, le fait est que les gains de part de marché qu’ils en tireraient pourraient rapidement conduire les acteurs les plus faibles à leur perte. Et même pour les gros acteurs, la perspective d’entrer dans une guerre des prix de nature à coûter des centaines de millions d’euros renforcerait le risque de voir à court terme se concentrer encore le secteur de la distribution dont le modèle repose sur de faibles marges nettes compensées par d’importants volumes de vente.


Les distributeurs ne s’y sont pas trompés et ont unanimement refusé de rentrer dans cette logique de vente à perte qui aurait pu leur coûter cher, sans réellement profiter au pouvoir d’achat des consommateurs.


En eut-il été autrement si la Première Ministre avait ouvert la discussion sur la vente à perte des produits alimentaires ?

Quand 60% du prix de l’essence est déterminé par les taxes et que la seule marge de négociation porte sur le prix de la matière première, le coût de distribution et celui de raffinage, autant dire qu’il n’existe pas beaucoup d’espace sur le prix d’achat et guère plus sur le prix de vente.

En revanche sur l’alimentaire, les distributeurs ont un poids véritable dans la négociation des prix d’achat. Les marges de discussion du prix d’achat entre industriels et distributeurs sont beaucoup plus grandes et lorsque l’on achète moins cher, il est possible de concilier rentabilité et prix justes pour le consommateur. En tout état de cause, le jeu de la concurrence empêche naturellement que le prix de vente au consommateur soit durablement trop élevé, sauf à voir celui-ci changer de crémerie.


C’est ce qu’on appelle le commerce, qui au travers des âges a plus contribué à la paix, à la prospérité et au développement économique des peuples qu’aucun modèle d’économie administrée.


Peut-être le temps est-il venu de tirer le bilan des marges « obligatoires » en vigueur dans l’alimentation depuis cinq ans. Et s’il apparaît que cette règle est in fine néfaste au consommateur, comme au producteur, sans doute serait-il préférable de revenir au statu quo ante reposant sur une négociation libre entre acteurs économiques dont le but commun est de vendre leurs produits au consommateur final.


Définir des règles communes applicables à tous est le rôle de l’Etat pour garantir une saine concurrence qui bénéficiera toujours in fine au consommateur et citoyen.

Modifier les règles de la concurrence au bénéfice des seuls joueurs qui seraient en mesure de les respecter est en revanche la garantie de nuire au plus grand nombre.

 
 
 

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